Les écoles d’art en France: Un enseignement artistique en changement

Art schools in France: A moving arts education

Alizée Alizée Armet
École Supérieure d'Art des Rocailles Miarritze; École Supérieure d'Art Annecy Alpes, Francia

Les écoles d’art en France: Un enseignement artistique en changement

AusArt, vol. 8, núm. 1, pp. 37-47, 2020

Universidad del País Vasco/Euskal Herriko Unibertsitatea

Recepción: 11 Marzo 2020

Aprobación: 06 Mayo 2020

Résumé: Depuis les accords de Bologne (1999), les écoles d’art de France vivent des changements sans précédant dans le fonctionnement économique et pédagogique de leur établissement. Cet article a pour objectif de donner à voir les situations que rencontrent les écoles d’art. L’autonomie des écoles d’art est remise en question. Est-ce que le système universitaire fonctionne au sein d’un enseignement artistique supérieur ? Nous réaliserons une étude générale où nous pourrons voir ce que désigne une école d’art comme un écosystème distinct des autres établissements d’enseignements supérieurs. Le troisième cycle est au coeur de toute question. Le mémoire cristallise toute la structure même des écoles d’art. Ainsi, elles se doivent d’inventer des nouvelles façons, de s’imaginer, pour se créer une nouvelle identité.

Mots clés: ENSEIGNEMENT ARTISTIQUE SUPERIEUR (FRANCE), TROISIEME CYCLE (FRANCE), COMPETITIVITE, AUTONOMIE.

Abstract: Since Les accords de Bologne (1999), art schools in France have been experiencing unprecedented changes in the economic and pedagogical functioning of their institutions. The purpose of this article is to show the situations art schools are facing. The autonomy of art schools is being questioned. Does the university system operate within a higher art education? We will carry out a general study where we will be able to see what an art school means as an ecosystem that is distinct from other higher education institutions. The postgraduate level is at the heart of all questions. The dissertation crystallizes the whole structure of art schools. Thus, they have to invent new ways, to imagine themselves in order to create a new identity. .

Keywords: HIGHER ARTS EDUCATION (FRANCE), POSTGRADUATE (FRANCE), COMPETITIVENESS, AUTONOMY.

Introduction

Qu’on l’appelle école des ‘beaux-arts’, ‘école d’art’ ou ‘école d’art et design’, l’école supérieure d’art est un lieu en prise directe avec le monde et les professionnels de la création contemporaine, qui donne les moyens de la création à travers une pédagogie de projet, encourage et initie des situations d’expérimentation, apprend aux étudiants et étudiantes à analyser les œuvres, les images et les signes, dans une perspective résolument critique et pratique (ANdÉA 2014).

Les écoles d’art en France se sont construites de leur longue histoire. Contrairement aux écoles classiques, elles ont été créées en fonction de l’origine géographique de tel artiste de l’Académie ou des besoins d’ateliers manufacturés locaux. Petites, indépendantes, peu organisées les écoles d’art ont été le sujet d’un laboratoire de réforme entre les années 70 et 80. L’art et l’artiste sont au cœur de tout paradigme dans la pédagogie. La réforme a pour source l’invention de l’art moderne au XIX. siècle. Ceci a été validé par la création du ministère des Affaires culturelles en 1959. Subsiste cependant la tradition du maître et des ateliers où la recherche personnelle excelle. Des ateliers qui militent pour l’expérimentation dans une atmosphère de communauté. Les enseignements théoriques ont décloisonnés jusqu’ici des formations professionnelles pour appliquer une méthode plus générale, à l’image de l’artiste libéré de l’académisme et des contraintes techniques. C’est ainsi que depuis, ce que l’on nomme les Beaux-arts en France se sont séparés des industries et des universités.

Pourtant les écoles d’art se retrouvent dans une situation de bouleversement important [Fig.1]. Le processus de Bologne (19 juin 1999) déclenche cette série de phénomène :

L’indépendance et l’autonomie des universités sont garantes des capacités des systèmes d’enseignement supérieur et de recherche à s’adapter en permanence à l’évolution des besoins, aux attentes de la société et aux progrès des connaissances scientifiques (l’Espace européen de l’enseignement supérieur, 1999).

Les conséquences suite à ce processus, basculent le système traditionnel d’organisation de fonctionnement. Elles doivent revoir leurs caractéristiques pour l’avenir. Certaines écoles passent des accords de coopérations, fusionnent avec des universités alors que d’autres se positionnent sur les avantages de leur appartenance pluri ou interdisciplinaire. La plupart des établissements territoriaux d’enseignement artistiques changent de statut pour devenir des EPCC1 (Loi relative à la création d’établissements publics de coopération culturelle du 22 juin 2006). Les écoles d’art en France font face à un problème de taille. Elles doivent s’adapter à des situations nouvelles telles que la mondialisation, l’évolution de la démographie, les modes d’enseignements et l’activité des universitaires. Elles sont celles “qui ont le plus évolué” (ANdÉA 2015, 20) dans le contexte culturel. Nous noterons que dans cet environnement trouble, une association ANdÉA2 depuis 2012, fédère toutes les écoles supérieures d’art publiques françaises (sauf l’école d’art de Nantes) sous tutelle du ministère de la Culture et de Communication. Par le biais de cette association et notamment les assises nationales des écoles supérieures d’art Demain l’école d’art (2015) à Lyon, les écoles essaient, testent de nouvelles méthodes collaboratives pour penser l’avenir des écoles d’art de France3.


Fig. 1

Le réseau des 46 écoles supérieures d’art publiques françaises.

Catalogue ESAPB, Bayonne, France

De ce chamboulement, nous devons comprendre et étudier l’école d’art dans sa structure, dans ses fondements. Dans le paysage de l’enseignement supérieur, elles sont des acteurs du développement économique et culturel d’un territoire. Elles possèdent une organisation spécifique. La cristallisation du mémoire est au cœur de ce problème. La volonté de mettre en même niveau les études artistiques et universitaires, les diplômes de DNA, et DNSEP4 pour des crédits ECTS5, problématise l’indépendance de l’enseignement artistique. C’est pourquoi nous devons comprendre le réel enjeu du troisième cycle dans les écoles d’art : la recherche et les artistes. Bien entendu, nous devons nous concerter sur les obstacles actuels des écoles d’art : avoir une forme d’uniformisation des savoirs ou une hétérogénéité des savoirs dans le processus de création?

1. Les différentes identités d’une école d’art française

Une école d’art c’est “une méthode pour comprendre le monde qui nous entoure” (ANdÉA 2018, 103). Elles sont des plateformes d’opportunités, offrant le plus de choix possible aux étudiants pour construire un parcours personnalisé et libre. L’école d’art est une ‘école-atelier’. C’est un endroit où étudiants-artistes, théoriciens et enseignants-artistes apprennent ensemble. Le goût pour ce désordre est certainement le facteur principal d’une pédagogie anti-institutionnelle. C’est un acteur du développement culturel et économique du territoire sur lequel est implanté l’école. Nous pouvons décrire l’école d’art sous huit critères. Ces critères peuvent être nuancés en fonction du statut, du mode de gérance, du financement et des disciplines de chaque école:

1) Les accords indépendants de collaboration entre établissements sont de plus en plus complexes et diversifiés. Intégrés déjà aux universités, en Europe, les écoles d’arts relèvent de municipalités ou de régions. Elles comptent un effectif restreint d’étudiants. Elles maintiennent une relation de semi-autonomie vis-à-vis des universités et gèrent leur fonctionnement.

de proximité

3) L’aspect économique est un élément important. Le financement public ou privé influe les aspects évoqués dans cette analyse. Les établissements doivent trouver des fonds supplémentaires à l’extérieur : auprès de mécènes, de fondations philanthropiques, de subventions, de droits aux inscriptions, d’activités marchandes et de propriétés intellectuelles. Nous devons garder en tête que les considérations économiques et l’intérêt croissant de l’interdisciplinarité ont incité des croisements entre filières, cursus et installations. Les services et les produits artistiques ou culturels peuvent avoir un impact économique. Le secteur culturel est un volet de plus en plus important dans les stratégies de développement économiques des villes et des régions.

4) Le choix entre les droits d’inscription ou la gratuité des études est un débat au sein des écoles d’art. Le choix leur appartient. Depuis novembre 2018, les écoles d’arts font face à un autre problème avec le programme Choose France (2018): la hausse des droits d’inscriptions aux étudiants internationaux. 14 % des établissements du réseau pratiquent des frais de scolarités dans les écoles nationales supérieures d’arts (Beaux-arts de Paris, Cergy, Villa Arson, École des arts décos, etc.) (ANdÉA 2018). Notons que pour les EPCC, c’est le conseil d’administration qui le fixe. Le directeur de l’École des beaux-arts de Nantes-Saint-Nazaire Pierre-Jean Galdin a décidé par exemple de relever les frais de scolarité:“Fin 2018, à la suite de manifestations d’étudiants opposés à cette distinction et afin de calmer le jeu, le conseil d’administration a choisi de revenir sur cette disposition. Les tarifs de scolarité des étrangers sont désormais les mêmes que ceux pratiqués pour les étudiants français et européens” (cité dans ANdÉA 2018)

ANDÉA a par ailleurs stipulé qu’au sein de cette école, il y a 1500 étudiants étrangers, 200 enseignants de nationalité étrangère (ANdÉA 2015).

5) Que certaines écoles dépendent du ministère de la Culture ou du ministère de l’Education. La structure de gestion varie. Les conséquences sont non négligeables pour les écoles d’arts pour leur statut. Environ 45 écoles supérieures d’art sont dépendantes du Ministère de la Culture soit 11 dites nationales et 34 territoriales. Ces écoles sont accréditées par ce même ministère et habilitées par le haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres) à délivrer des diplômes nationaux. Les écoles dépendant du Ministère de l’Éducation, vise essentiellement à former des enseignants pour l’enseignement secondaire. Cette dépendance les différencie de leur pédagogie reposant sur des connaissances intellectuelles.

6) La multiculturalité des disciplines est importante dans les écoles d’art. Les disciplines sont variées, différentes d’une école à une autre, en fonction de l’appellation ou du nom de l’école. La spécialisation de la discipline peut se transcrire sur le diplôme de l’étudiant diplômé. La spécialité peut désigner la mention de peinture et non d’un diplôme des beaux-arts par exemple. Les écoles d’arts veulent différencier leur discipline des autres établissements supérieur d’enseignements. Les tensions engendrées ont pour source l’aspect pratique ou professionnel, l’aspect théorique et bien sûr l’autre aspect évoqué en dessous.

7) Les diplômes et autres titres peuvent être délivrés par les écoles d’art. Fut un temps où elles délivraient des diplômes locaux, des diplômes professionnels nécessitant un besoin technique. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Elles délivrent des diplômes homologués par une université locale ou habilitée à délivrer des diplômes. La transformation radicale s’explique par la modification des titres professionnels indépendants en titres universitaires d’État (voire Le processus de Bologne). Il existe cependant encore des diplômes professionnels (certificats, diplômes etc..) ainsi qu’une organisation importante de diplômes post-licence: DNSEP, DSRA6 voire Ph.D (Doctorat), etc.

structure de gestion interne

La topologie présentée est un aperçu de son fonctionnement. Elle est bien plus complexe en réalité. La mondialisation, soutenue par l’innovation technologique, fait naître la création de nouveaux domaines: multimédia, média numérique, art électronique/assisté par ordinateur. Aidés de disciplines jugées au début ennemie : l’informatique, l’électronique, la mécanique, ils transforment les écoles d’arts. La culture visuelle tente d’intégrer le visuel dans une théorie générale de la communication. Les mutations sur le marché du travail et le développement des industries culturelles offrent de nouvelles possibilités aux diplômés. Les écoles d’art proposent de nouveaux programmes interdisciplinaires qui permettent aux étudiants d’associer diverses disciplines et de franchir des frontières7.

2. Les différents obstacles

L’implantation d’une société mondialisée du savoir et de l’information a un formidable impact. De nouveaux défis se présentent face à la mondialisation, à l’évolution démographique et au travail universitaire. Le ‘laisser-faire se transforme en un marché compétitif’ avec des gagnants mais aussi des perdants. Nous pouvons remarquer la grande différence du nombre d’étudiants entre la première et la cinquième année d’études [Fig. 2]­. Parmi les 1399 étudiants inscrits en première année, 6,4 % redoublent, 21,3 % échouent. Un tiers abandonne en cours d’année et 10 % ne se présentent pas à l’intégralité des examens de fin d’années. Il faut aussi remarquer que les écarts sont inégaux entre chaque école [Fig. 2]. Les écoles peuvent procéder à une sélection exigeante8. L’école de Dunkerque accueille mais sélectionne les étudiants par exemple. Les structures doivent rivaliser d’inventivité économique. Les résultats fluctuent en fonction des taux de réussite dans la moyenne des écoles. Gilles Galodé et Christophe Michaut, universitaires français diront que: “les écarts entre les écoles sont plus importants en première année qu’en seconde année” (2003, 86).

Le processus de Bologne, qui vise à faciliter la mobilité des étudiants et des enseignants pourrait devenir un “système déstructuré d’assurance” (Hazelkor 2004). Les enseignants sont soumis à des pressions de travaux de recherche, d’enseignements avec un nombre croissant d’étudiants. La concurrence se porte sur le nombre de recrutement des étudiants. Les écoles changent leur organisation. La fusion de certains établissements donne l’impression de démarches administratives (devis pour les commandes) plus complexes pour les étudiants dans la création de leur pratique9.


Fig. 2

Schéma taux d’amis au concours d’entrée 85

(Galodé & Michaut 2003)

À la réponse de ces principaux obstacles, la fusion des écoles a emmené des structures, à former des alliances avec d’autres établissements. Les universités et les écoles d’art agissent ensemble. Elles mettent des ressources et/ou des installations en commun. L’internationalisation liée à la mondialisation demande aux écoles d’art de créer des partenariats universitaires pour favoriser la mobilité des étudiants et des enseignants. Les nouvelles ouvertures permettent des formes de coopération uniques, innovantes. Lié à la structure des écoles d’art, le programme Entr’Écoles (2016– ) mise sur des: "formes et [des] actions pédagogiques innovantes, professionnalisation, dimension théorique ou pratique, savoir-faire spécifiques des écoles et des équipes pédagogiques dans des domaines de pointe, recherche sur une discipline particulière et singulière, insertion dans les industries créatives” (AAAR 2018).

Nous devons stipuler que les écoles d’art souhaitent toujours autant d’hétérogénéité dans les productions de leurs étudiants et/ou enseignants. Les collaborations avec les universités et les établissements d’enseignement supérieur permettent de questionner le futur des écoles d’arts. Seront-elles des établissements effacés dans un organigramme universitaire ? Il convient mieux de dire que la pluralité des savoirs, la dimension pédagogique apporte aux deux pôles des échanges riches mais toujours autant de questions : “je dirais oui à la collaboration avec les universités et d’autres institutions mais absolument non à l’uniformisation du paysage de l’enseignement artistique” (ANdÉA 2015, 37).

Corinne Diserens, directrice de l’école d’art de Cergy, pointe du doigt le revers de cette collaboration : l’uniformisation. Les écoles d’arts restent des espaces où l’enseignement artistique est une expérience de transmission des savoirs artistiques. Transmettre n’est pas qu’enseigner. C’est accepter l’idée que les travaux d’étudiants ne peuvent pas rentrer dans des objectifs précis mais à les ouvrir sur leur propre créativité.

3. L’enjeu du troisième cycle

Le troisième cycle ou l’année de la recherche pour les étudiants-chercheurs est une année particulière et problématique. C’est devenu l’une des caractéristiques clés des établissements d’enseignements supérieurs. L’évaluation quantitative et qualitative des résultats de la recherche pose question aux écoles d’arts. Elles n’ont pas participé jusqu’à preuve du contraire, à ce paradigme. Le rôle et la définition de la recherche sont questionnés. Faut-il nommer les laboratoires des ateliers de recherches? L'artiste serait-il cet individu qui cherche tout le temps?" La réelle problématique, explique Marie-José Burki, responsable du programme du 3e cycle aux Beaux-arts de Paris est qu’: “Il y a un problème d’indexation du langage de l’artiste au langage universitaire” (cité dans Piovezan 2018). Les cursus en écoles d’art en deviennent formalisés. Il nous faut donc penser, expérimenter, conceptualiser une nouvelle manière de faire de la recherche. Trouver de nouveaux outils pour mieux la définir. ANdÉA milite avec d’autres écoles à la création de ce cycle. Les écoles d’art peuvent se saisir de la forme du doctorat des universités pour échapper à l’uniformisation. Il nous faudrait plutôt dire que ce cycle est une chance pour allier théorie et pratique: nourrir une pratique artistique naissante.

Stéphane Sauzedde, directeur de l’École supérieure d’art Annecy Alpes rétorque sur la mauvaise face du troisième cycle: “les oppositions entre écoles d’art et universités ont beaucoup à voir avec le fait que le gâteau est trop petit pour toutes les méthodes. Il s’agit de rapports de force économiques” (cité dans Piovezan 2018). La question concrète pour l’étudiant-chercheur est le mémoire. Tout se cristallise sur ce travail, devoir pour certains. Cette 'recherche scientifique' répond à la question de la compétitivité. La notoriété permet aux écoles d’art de financer des projets (parfois sans accords officiels). Lors des assises de Lyon, la plupart des représentants des écoles d’art participants avouent que: “la recherche était essentielle pour rester en première ligne dans leur domaine d’activité” (ANdÉA 2018).

Il est vrai qu’une certaine liberté d’exécution et de faire, réside dans les écoles d’art de France. Elles s’emploient avec sérieux à renforcer le lien entre la recherche et l’enseignement, à développer des systèmes d’accompagnement et de mentorat. Elles tentent de rassembler des personnes, dites différentes, à organiser des groupes par thématiques, paradigme au travers de projets interdisciplinaires et de réseaux intra et inter-établissements. La co-réalisation de projet avec le secteur industriel, galeries d’art, musées, initiative culturelles locales est organisée. Ces réalisations leur permettent de bénéficier de divers soutiens: décharge de cours, financement ciblé, bourses académiques, équipements, aide technique, séminaire ou ateliers. La recherche théorique s’applique aux sciences et non aux activités de création.

L’étude générale de l’OCDE met en avant les différences d’organisation entre les établissements anciens et solidement établis, et ceux récents. Les motifs de postes d’enseignants ne permettaient pas les conditions indispensables à l’application du troisième cycle. La recherche suscite toujours de grandes tensions dans les disciplines artistiques. Peut-elle être un modèle de recherche? Être propre aux activités créatives?

Conclusion

Dans une école d’art, où rien n’est donné d’avance: aucune matière, aucun instrument, aucun code, aucune langue, il reste à inventer son véhicule pour trouver sa voie, développer une méthode pour éployer sa voix (Pasqualini 2011).

Loin de l’image du Bauhaus, école allemande des années fin 1900, les écoles d’art sont en soit des écosystèmes particuliers. L’école d’art est un noyau de la création. C’est une ouverture sur le monde d’aujourd’hui et de demain. Les événements actuels n’ont pas épargné ces établissements. Les écoles d’art ne sont pas à l’écart des changements ni des difficultés retrouvées dans l’enseignement supérieur. Elles nécessitent d’approfondir leur compétence classique, en apprenant à participer aux productions de connaissances et d’innovations. Elles doivent appliquer l’adaptation aux exigences de l’économie du savoir et du marché international en mobilisant leurs capacités de manière distincte. Des moyens doivent être trouvés pour dépasser leur profond attachement à telle ou telle discipline artistique, pour s’adapter.

Les changements et les problèmes qui accablent les structures de l’enseignement artistique supérieur sont immenses et s’attaquent à l’ensemble des écoles. Les protections traditionnelles ne peuvent plus assurer la sécurité de ces dernières. Les dirigeants des écoles d’art font face à des choix multiples stratégiques. La situation bipolaire oblige à déplacer le regard sur une proposition de palette de solution plus qu’une alternative pure et dure. Deux représentations influencent le choix des établissements, soit l’“université entrepreneuriale”, soit “la création d’un savoir interdisciplinaire” (Hazelkorn 2004). La pression de la société s’en prend constamment aux écoles d’art. Elles doivent non seulement s’occuper de l’excellence de leurs formations mais aussi (et surtout) des résultats économiques de leur recherche et de leur enseignement.

Les dirigeants doivent choisir des solutions plus adaptées à leur structure : trouver un équilibre pour permettre l’adaptabilité de leur école à ce nouvel environnement compétitif international. Les questions peuvent se porter sur l’indépendance ou l’intégration des écoles. Les écoles peuvent vouloir se spécialiser ou non sur un programme: privilégier diverses formes d’art comme la technologie. De même qu’elles peuvent se centrer sur un enseignement de la créativité ou de l’emploi. Elles ont la possibilité de créer des programmes liés à l’emploi et au monde des affaires ou bien d’assurer une formation libérée. Avoir une vision interne ou locale peut répondre à une demande d’interaction de l’établissement avec la société. Choisir entre un métier et/ou une activité créatrice ou de recherche, demande aux écoles d’art de choisir entre l’exercice d’un métier spécifique ou d’une activité créative. Il faut noter que la problématique du budget peut déterminer la dépendance des fonds publics ou la diversification des sources de financement. Il revient donc aux écoles d’art de faire les bons choix en fonction de leur structure. La réalité de la concurrence leur impose de créer une attitude en rapport avec une société toujours plus mondialisée dans l’économie.

Remerciements

Nous remercions la participation de l’équipe de direction, d’enseignants et des élèves de l’École Supérieure d’Art Pays Basque de Bayonne et de Biarritz en France : pour leur confiance dans la transmission d’expériences intimes et de réflexions introspectives.

Références bibliographiques

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Chateigné, Yann. 2011. “(Dé)faire l’école!”. ‘‘Écoles d’art: Nouveaux enjeux”, numéro monographique Art Press 2(22): 55-61

CIPAC (Fédération des professionnels de l’art contemporain). 2014. "L'établissement public de coopération culturelle (EPCC): Synthèse à l'usage des diffuseurs du secteur des arts plastiques”. Cipac.net, 20 mai

ESAPB (École supérieure d’art Pays Basque). 2019. Livret de l’étudiant: Diplôme national d’art option art 2019-2020. Bayonne: ESAPB

Galodé, Gilles & Christophe Michaut. 2003. “Le cheminement des étudiants dans les écoles supérieures d'art”. Philosophie et Éducation 143: 79-89

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Graveleau, Séverin. 2017. “Très attractives, les écoles d’art deviennent plus sélectives”. Le Monde, 3 avril. https://www.lemonde.fr/campus/article/2017/04/03/tres-attractives-les-ecoles-d-arts-deviennent-plus-selectives_5104925_4401467.html

Hazelkor, Ellen. 2004. "Les écoles d’art de demain: Enjeux et possibilités”. Politique et Gestion de l’Enseignement Supérieur 16(3):153-73

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Tibloux, Emmanuel. 2011. “Sur la ligne: Situation des écoles d’art”. ‘‘Écoles d’art: Nouveaux enjeux”, numéro monographique Art Press 2(22): 11-5

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Trémeau, Tristan. 2011. “L’enseignement artistique au risque de la réification“. ‘‘Écoles d’art: Nouveaux enjeux”, numéro monographique Art Press 2(22): 70-4

Notes

[1] Un établissement public de coopération culturelle est un établissement public regroupé d’une collectivité territoriale ou d’un établissement de coopération intercommunale (EPCI) pour gérer un service public culturel). La spécificité des écoles d’arts dit EPCC, est celui d’un fonctionnement réglementaire de la fonction publique territoriale et dispose des équipes d’une école d’art. Encadré par la loi du 22 juin 2006, l’EPCC est un moyen de décentrali-sation.
[2] Association nationale des écoles supérieures d’art.
[3] Cet essai a pour source principale les actes des assises du 29 et 30 octobre 2015.
[4] Diplôme national d’arts (DNAP). Homologué par arrêté du 6 mars 1997 sous le nom de Diplôme national d’art plastiques, il correspond à une licence de niveau II. Depuis 2016, le DNAP et le DNAT (Diplôme national d’arts et de techniques) ont fusionné pour devenir le DNA. Le Diplôme national supérieure d’expression plastique (DNSEP) Homologué par arrêté du 20 décembre 1977 au niveau I au Répertoire National des Certifications Profes-sionnelles. Il est homologué au grade de master.
[5] Les European Credits Transfer Scale ou Sytème européen de transfert et d’accumulation de crédit. C’est un système de points permettant de valider des unités d’enseignement dans le supérieur.
[6] Le Diplôme Supérieure de Recherche en Art (DSRA) ou 3e cycle correspond à une phase recherche de 3 ans minimum destinée à de jeunes artistes-chercheurs titulaires du DNSEP ou Master équivalent.
[7] Certaines écoles se font aider d’organismes internationaux comme la ligue européenne des instituts artistiques et le Conseil international des doyens des Beaux-arts
[8] Les résultats affichés proviennent des écoles supérieures parisiennes confondues (Galodé & Michaut 2003, 84)
[9] Ces informations ont été données par une étudiante de l’Esa des Rocailles de Biarritz.
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